Mon médecin aime les arbres
Hier, je suis allée chez mon médecin. En effet, les cours de yoga reprennent la semaine prochaine et il me faut apporter un certificat médical. Or donc, me voilà devant mon cher docteur. Il me demande si je sais faire la position (imprononçable)(à mon avis, c’est aussi totalement infaisable). Misère. Moi qui aurais pu briller par tout mon savoir yogique il y a seulement quelques années, c’est maintenant, quand je suis vieille et totalement rouillée, qu’il m’interroge ! Pas vieille, corrige-t-il : mûre. Ah oui c’est vrai, je suis une mûre femme, ça m’échappe tout le temps. Je ne sais pas si ça vous fait ça: dans votre tête, vous avez, genre, 30 ans, mais quand vous vous mettez dans l’idée de réaliser physiquement ce que justement à 30 ans vous faisiez si bien, tout se complique ! Comme c’est curieux !
Mais revenons à notre médecin. À défaut de l’épater avec mes postures en 8 (ce qu’il espérait que je sache faire, le fou), je lui parle de mes tentatives désespérées d’atteindre un jour le stade où, avec une patience de nénuphar, je serais capable de rester assise trente minutes d’affilée sans bouger. D’abord, est-ce qu’il médite, lui? Il me paraît bien nerveux. Ça ne lui ferait pas de mal ! Toujours par ci par là, à s’agiter dans tous les sens ! C’est pas bon pour son cœur !
Ben oui, il médite. Ceci dit, on aurait pu s’en douter : un homme qui met dans sa salle d’attente une musique qui donne instantanément envie de s’asseoir en lotus (ou de ronfler, c’est selon) ne peut pas être totalement hermétique à ce genre de choses. En même temps, je l’imagine bien ouvrir la porte de sa salle d’attente et trouver tous ses patients endormis ou en transe. Quel concept révolutionnaire !
Bref. Nous échangeons nos parcours, enfin surtout le sien, vif et intéressant puisque le cher homme, le même qui connaît mes poumons par cœur, mon estomac et mes angoisses depuis trente-trois ans (c’est bien simple, on est arrivés en même temps dans la même ville, lui débutait sa carrière de toubib et moi celle de sa patiente – s’il en est là aujourd’hui, on peut dire que c’est largement grâce à moi !) bref, le cher homme ne m’avait encore jamais parlé de ses désirs, de ses aspirations, de ses petits bonheurs du quotidien.
Alors donc, nous avons fait : Vipassana, taï chi, kouwendo (?), kwendo ? (ça s’écrit comment cette chose ?), Compostelle, nous avons aussi rencontré Matthieu Ricard et le Dalaï Lama ! Quelle joie inexhaustible de l’écouter me raconter tout ça et de voir ses yeux briller comme ceux d'un petit enfant! D’ailleurs je crois qu’à un moment je l’ai perdu: quand il a commencé à me parler de ses arbres, des arbres de plusieurs mètres de diamètre, assis devant à méditer, dans le silence.
Mon médecin aime les arbres. Dire qu’il aurait pu partir à la retraite sans jamais me dévoiler cette information capitale. Il faudra que je pense à lui offrir un bonsaï (oui, ben on fait ce qu’on peut !).
Bon alors, ce certif, là, vous me le faites ?